mardi 5 mai 2009, par Hugo Victor-Marie
Rien n’en revenait à mess Lethierry, et rien n’en rejaillissait sur Déruchette.
La salle basse du rez-de-chaussée, halle à cheminée entourée de bancs et de tables, avait, au siècle dernier, servi de lieu d’assemblée à un conventicule de réfugiés français protestants. Le mur de pierre nue avait pour tout luxe un cadre de bois noir où s’étalait une pancarte de parchemin ornée des prouesses de Bénigne Bossuet, évêque de Meaux. Quelques pauvres diocésains de cet aigle, persécutés par lui lors de la révocation de l’édit de Nantes, et abrités à Guernesey, avaient accroché ce cadre à ce mur pour porter témoignage. On y lisait, si l’on parvenait à déchiffrer une écriture lourde et une encre jaunie, les faits peu connus que voici : - « Le 29 octobre 1685, démolition des temples de Morcerf et de Nanteuil, demandée au Roy par M. l’évêque de Meaux. » - « Le 2 avril 1686, arrestation de Cochard père et fils pour religion, à la prière de M. l’évêque de Meaux. Relâchés ; les Cochard ayant abjuré. » - « Le 28 octobre 1699, M. l’évêque de Meaux envoie à M. de Pontchartrain un mémoire remontrant qu’il serait nécessaire de mettre les demoiselles de Chalandes et de Neuville, qui sont de la religion réformée, dans la maison des Nouvelles-Catholiques de Paris. » - « Le 7 juillet 1703, est exécuté l’ordre demandé au Roy par M. l’évêque de Meaux de faire enfermer à l’hôpital le nommé Baudoin et sa femme, mauvais catholiques de Fublaines. »
Au fond de la salle, près de la porte de la chambre de mess Lethierry, un petit retranchement en planches qui avait été la chaire huguenote était devenu, grâce à un grillage avec chatière, « l’office » du bateau à vapeur, c’est-à-dire le bureau de la Durande, tenu par ess Lethierry en personne.
Sur le vieux pupitre de chêne, un registre aux pages cotées Doit et Avoir remplaçait la Bible.